mardi 16 décembre 2008

EZ3kiel

Ez3kiel, rien à voir avec la Bible mais surtout avec la musique électro française. Voilà un groupe, fondé en 1993 dans la région de Tours. Au cours de 5 albums studio et d'un album Live, Ez3kiel n'a cessé d'évoluer, de s'améliorer, de changer de style, de devenir une référence en scène électro. A leurs débuts, le trio (composé de Johann Guillon, Yann Nguema et Matthieu Fays) penche fortement vers l'électro-dub. Ce ne sera que cinq ans après leur formation qu'ils publieront leur premier album : Equalize It, en 1998 (auto-produit, diffusé par le label Tripsichord). Les huit morceaux qui composent cet opus sont de l'électro-dub pur jus, tantôt enlevé, tantôt posé. On se rapproche de ce que peut faire High Tone dans un registre similaire.


Equalize It (1998)

En 2001, le trio tourangeau revient avec un album plus travaillé, aux sonorités plus électro que dub : Handle With Care (sur le label Jarring Effects). La nouveauté tient à une ambiance plus trip-hop, plus sombre, aux textes plus revendicatifs, ce qu'on peut notamment ressentir sur le titre How Do You Sleep ?Equalize It est flagrante dans le style. Par moments, on retrouve un son électro proche d'Amon Tobin (Cut Fiction). Mais Ez3kiel imprime sa marque de fabrique avec ce Handle With Care, comme en atteste le morceau Via Continum dont l'ambiance aussi bien planante que menaçante se retrouvera dans les opus suivants. Un dernier mot sur cet album à propos de la pochette au design précurseur. A partir de cet album, les pochettes seront toujours fouillées et constitueront en elles-mêmes des œuvres dans l'œuvre (et elles sont composées par un membre du groupe).

On sent que, presque dix ans après leur formation, ils ont su quelles ambiances ils désiraient mettre en musique. On pourrait parler de rupture, tant la coupure avec

Handle With Care (2001)

Leur troisième album sortira deux années plus tard, en 2003, toujours sur le label Jarring Effects, et deviendra rapidement la clé de voûte de leurs oeuvres. Ce Barb4ry est un petit bijou électro, aux ambiances travaillées par le trio devenus orfêvres le temps de onze morceaux. On retrouve d'entrée, sur la piste Kika, l'ambiance sombre et mélancolique qu'avait Via Continum sur l'album précédent, parfaite introduction au morceau le plus abouti d'Ez3kiel : Versus. Comme son titre le laisse supposer, il est construit sur une opposition (de vocabulaire) où les chanteurs égrennent tantôt des drames humains et historiques, tantôt des éléments de rêve ou de joie. Le tout servi sur une musique progressive, entrainante et prête à tout donner là où on s'y attend. Un cocktail explosif et réussi. Toutes les pistes suivant cette entrée en matière somptueuse sont du même tonneau. Barb4ry s'impose comme une référence à posséder en électro. Surtout avec ses petites dérives dub et/ou trip-hop, on se retrouve littéralement scotché à l'écoute de l'album. Plus que les précédents, celui-ci aurait mérité d'avoir quelques titres qui passent sur les radios générales. On vante la french touch en électro à travers les mêmes groupes (que ce soit Air, Daft Punk ou plus récemment Justice) mais on se contente des groupes ayant une meilleure visibilité médiatique. Je suis persuadé qu'avec un peu plus de visibilité, Ez3kiel enterrerait quelques groupes sur-côtés de notre Hexagone. Et pourtant, Ez3kiel est connu nationalement (voire plus), grâce au bouche à oreille, aux revues spécialisées, etc. Mais les mass-medias les laissent de côté... c'est vrai qu'un Daft Punk qui s'auto-pompe ses titres pour faire un live, ou un Justice qui ne parvient à exister que par l'esclandre, c'est vendeur, hein coco ! Revenons à Barb4ry et arrêtons-nous sur 3 rue Monplaisir, petit bijou atmosphérique oscillant entre le dub et l'ambiance latino (un peu à la Gotan Project). L'électro ne sert ici que de support à l'expression des instruments. Par contre, le titre Obssd ravira les fans d'électro percutante et syncopée, accompagnée d'une ambiance pesante. Et si jamais cela n'était pas assez, le titre éponyme de l'album pourrait rapidement vous emmener sur une autre planète tant le rythme est élevé, proche dans la construction aussi de quelques titres d'Autechre. L'album se clot sur une piste calme, Akik, comme une parenthèse qu'on ferme. En s'empressant de la rouvrir.


Barb4ry (2003)

Vient ensuite, en 2004, le premier album live réunissant des titres des deux derniers albums publiés au moment de leur tournée, avec notamment une petite reprise à leur main du titre phare de la BO du film Requiem for a Dream, réalisée par Clint Mansell, intitulée sobrement : Requiem. On retrouve, en plus du CD audio, un film d'un concert ainsi que 6 clips. Ez3kiel accorde beaucoup d'importance au visuel au sein de son groupe, que ce soit au travers des pochettes ou lors des concerts. En atteste encore plus l'album suivant.

En 2007, Ez3kiel publie un album-concept : mi-musical, mi-visuel. Cela tranche clairement avec les productions précédentes. D'ailleurs, musicalement, le groupe franchit un nouveau palier et modifie quelque peu sa course dans les genres. On se retrouve avec une ambiance plus posée, mais avec un mélange plus marqué entre instruments et électro. Cette dernière étant dorénavant plus là pour épauler des partitions symphoniques (piano, guitare, flûte, etc.). Cela donne un petit côté vieillot aux douze morceaux. On retrouve dans ce Naphtaline ce sentiment sur des titres tels Adamantium, Subaphonic, Lac des Signes ou encore Exebecce. Ez3kiel se trouve d'ailleurs, par moments, aux frontières de Gotan Project, sans jamais véritablement la franchir. Ils conservent leur part électro qui fait merveille, comme sur Premier Flocon, accompagnant à merveille le piano. Ils se permettent même de placer un morceau intégralement interprété au piano : Leopoldine. Une nouvelle fois, Ez3kiel sait se renouveller et nous proposer une musique toujours entraînante, là où des groupes tête de gondole se contentent de proposer et reproposer la même chose.


Naphtaline (2007)

On pourrait penser Ez3kiel parvenu à son sommet et pourtant... Cette année, ils ont remis le couvert avec un album plus rugueux, bien que reprenant les éléments de base qui avaient servi à la conception de Naphtaline. Ce sixième disque (5e album) change encore un peu l'orientation musicale du groupe. Rejoints par un quatrième membre (Stéphane Babiaud), ils prennent le parti de composer un album plus "rock". Plus sombre que le précédent, plus enlevé avec ses partitions rock, ce BATTLEfield dénote dans la production du groupe. D'ailleurs, quand on prend du recul pour voir le parcours accompli depuis Equalize It en 1998, on constate qu'aucun album ne ressemble totalement au précédent, il y a toujours la recherche de nouveauté. Et, là encore, certains titres pourraient passer sur les radios générales que ce ne serait pas volé. Je pense notamment à Spit on the Ashes. Le groupe expérimente aussi, à sa façon, les bords du post-rock, sur le titre Lull où la guitare rappelle des références du genre, comme Godspeed You! Black Emperor ou Explosions in the Sky. Ez3kiel est un groupe caméléon. A partir de sa base électro, il est capable de dériver vers d'autres genres sans perdre ses origines. C'est une force dont beaucoup de groupes, qu'on entend 4 à 5 fois par jour sur les radios, devraient s'inspirer. Qu'on ait enfin à la radio une véritable variété... de genres.


BATTLEfield (2008)

En bonus, le lien vers le site officiel et vers leur MySpace.

jeudi 11 décembre 2008

A Reminiscent Drive / Jay Alansky

A Reminiscent Drive pourrait voir ses deux albums utilisés dans de grandes productions cinématographiques tant ils véhiculent une atmosphère planante. Le décor est planté. Mais, tout d'abord, qui se cache derrière ce nom ? Un certain Jay Alansky qui a composé des titres de variétés pour des "pointures" telles Lio (Banana Split), Plastic Bertrand (Sentimentale-moi), Jill Caplan, ou encore Julien Clerc ! Bref, ce n'est pas un amateur. Toujours est-il qu'il a décidé, à un moment, de se sortir de cet univers musical là pour se plonger dans le sien, plus personnel, plus intimiste et, forcément, moins grand public. Et, là, je dois dire que ce fut une riche idée. Jay Alansky nous livre sous le pseudonyme de A Reminiscent Drive, deux formidables opus.

Justement, parlons-en de ces albums. Et commençons avec Mercy Street, publié en 1998 sur le label F-Communications. Dans cet album, une ambiance très urbaine et en même temps éthérée nous emporte au travers de 16 pistes. On se laisse bercer par les sonorités tantôt étouffées, tantôt cristallines, électro. Et, sans s'en rendre compte, on se retrouve à explorer des ambiances quelques peu différentes mais formant un tout assez uniforme. Pas de place pour la lassitude. C'est parfait pour se détendre, on devrait d'ailleurs le recommander plutôt que des médocs. L'ouverture de l'album nous place d'emblée dans le ton : Life is beautiful est une excellente track à laquelle la dernière piste de l'album (Relief) fait écho, montrant l'idée de voyage musical balisé qui anime ce disque. Des titres comme Back to Morocco ou New Jerusalem vous dépayseront, avec leurs sonorités appelant à la rêverie. Et que dire des deux petits bijoux que sont Footprints et Two Sides to Every Story, si ce n'est vous recommander de les écouter, casque bien vissé sur les oreilles, en vous baladant en ville ? On croirait ces deux pistes créées spécialement pour vous plonger dans cet univers là. On parle souvent de "french touch" dans le domaine de l'électro. Avec ce premier opus de A Reminiscent Drive, on tenait un précurseur.


Mercy Street (1998)

Avec Ambrosia, second opus de A Reminiscent Drive, publié en 2000 sur le même label (F-Communications), la touche ambient est un petit peu délaissée (mais pas trop non plus) pour prendre une sonorité plus "lounge". A tel point que le titre éponyme à l'album se retrouvera sur des compilations "lounge-downtempo". J'ai envie de dire que Jay Alansky, avec ce second album, est sorti un peu de sa bulle, comme rassuré par l'accueil reçu sur Mercy Street. L'album n'en reste pas moins intéressant, proposant des ambiances assez disparates mais posées. La pierre angulaire de ce disque est évidemment la troisième piste, Ambrosia, avec son atmosphère latine, légère et sautillante. Dans What's Your Style ?, on verse plus dans l'électro, avec des boucles syncopées, des sons métalliques. Et pourtant, un petit côté éthéré subsiste. Sur cet album, on sent que Jay Alansky a semblé hésiter entre changer de style musical de A à Z et conserver les éléments de la réussite du premier album. Traveling Soul exprime plutôt bien ce mélange, auquel il ajoute un rythme plus rapide que dans ses autres compositions. La dernière piste de cet Ambrosia, Smokey Mountains, semble tout droit sortie de Mercy Street, comme une piqûre de rappel.


Ambrosia (2000)

Enfin, en 2002, Jay Alansky a publié un troisième album, sous son nom cette fois. Toujours publié chez F-Communications, il s'agit de Les Yeux Crevés. Cette fois-ci, il a pris le parti de composer des chansons plus intimes. Même s'il demeure dans une ambiance électronique, beaucoup moins éthérée qu'avec A Reminiscent Drive, l'atmosphère est plus sombre, les paroles étant là pour en témoigner. Mini-révolution, d'ailleurs, que l'apparition de paroles sur ses compositions. Néanmoins, elles sont de bonnes factures comme, notamment, sur les pistes Captain of my Ship ou encore Manipulate. On sent dans cet album la maturité de Jay Alansky à la création. Les pistes Compassionate et Schmaltz sont les traits d'union entre les deux précédents opus et celui-ci : de très bonnes pistes instrumentales. Album un peu différent, marquant une évolution dans le genre de Jay alansky, mais que je recommande chaudement tout de même. Et écoutez bien la piste cachée, vous allez être surpris par sa composition !


Les Yeux Crevés (2002)

mardi 9 décembre 2008

Hadda Be Playing on the Jukebox...

Bienvenue sur ce blog musical. J'espère vous faire découvrir ici des artistes que les média généralistes laissent de côté, préférant les têtes de gondoles produites par le système industriel de la musique, aux artistes qui se font un nom à la force de leur créativité et/ou par le bouche-à-oreilles. Ces artistes, qu'on retrouve pourtant dans la presse spécialisée, sont ignorés par les radios et par les télés. Pourtant, ça ferait du bien à la diversité musicale d'en parler. Ca montrerait aussi que les média sont plus soucieux d'accomplir un devoir moral de diffusion large de la Culture, plutôt que de s'agenouiller devant le dieu Audimat et la déesse Rentabilité.
Je vais essayer, tant que faire se peut, d'aborder des groupes peu ou pas connus, passés comme présents (et, j'espère, surtout futurs). Si tout va bien, le panel s'étendra sur le plus possible de genres. Diversité, donc.
Pour le titre de ce blog, il correspond à un poème d'Allen Ginsberg (paroles en anglais) qui a été mis en musique par Rage Against The Machine. Dans mon idée, ça illustre bien le besoin de parler de choses tues alors que la futilité occupe tout l'espace médiatique. Et ça colle bien au monde musical...
Enfin, dernière chose : sur votre droite, vous retrouverez un player Deezer avec quelques pistes des artistes dont je m'occuperai ici. Histoire de joindre la musique à la lecture.
Merci et bonne lecture.